caitlyn delaway [TERMINEE]

Hayden tenait toujours l’arme dans ses mains, pointée devant elle, dans le vide. Là où se trouvait Kerry Tomas quelques secondes auparavant, après qu’elle eut dit ses derniers mots dans un soupir, destinés à l’asiatique. L’adolescente ne bougeait plus, elle regardait, immobile le corps de son ancien professeur de journalisme se vider de son sang lentement très lentement. Trop lentement. Les yeux vides et fixes étaient comme hypnotisés par la flaque de liquide rouge foncé qui s’agrandissait peu à peu au sol, comme de l’encre renversée qui se diffusait doucement pour marquer les alentours… Elle ne pouvait pas en détacher son regard : ce n’était pas seulement le sang de la rousse qui s’échappait de son corps, c’était également sa vie.

Et alors le sang arriva à elle et rencontra ses souliers, des chaussures à talons pas trop haut pour qu’elle puisse être libre de ses mouvements. Ses souliers anciennement blancs qui désormais se teintaient de rouge, de même que sa robe anciennement blanche également se retrouvait à présent parsemée de multitudes de tâches sanglantes. Alors qu’elle continuait d’observer cette étrange tâche bordeaux s’étendre sur le sol, la jeune fille se sentit partir à mille lieux du gymnase, d’Odessa, du Texas. Elle était même bien loin de la Terre, et paradoxalement enfermée dans son propre esprit. Elle ne pourrait pas s’échapper de cette prison insoupçonnée.

Car la vérité s’imposa à elle aussi durement qu’une hache s’abattant au sol : elle avait tué quelqu’un. Elle était Hayden Adurna, dix-sept ans, meurtrière. Et l’adolescente devrait vivre avec, car même si les autres autour d’elle faisaient comme si de rien n’était, elle, Hayden, ne pouvait pas oublier. Son esprit serait à jamais son bourreau pour un acte qu’elle avait commis sans le vouloir. Dès à présent, elle devrait apprendre à vivre avec cette déchirure au fond d’elle. Car si la texane n’avait jamais montrée une quelconque affection envers la rouquine, elle ne la respectait pas moins. C’était sans doute pour cette raison qu’elle ne se pardonnerait jamais d’avoir pressée la détente. Hayden avait simplement voulu blesser Tomas, et elle se retrouvait avec une mort sur la conscience.

Elle voulait oublier, tout oublier. Si elle oubliait, tout irait bien. Car ses souvenirs eux-mêmes ne pourront pas revenir la hanter à chaque instant de sa vie. Perdue, elle rabaissa l’arme à feu, sans pour autant la lâcher. Désormais, le contact froid du métal contre ses doigts fins et délicats était comme normal. Une habitude. Il lui était nécessaire d’oublier.

Ou de mourir.

*Oui, mourir… Ce pourrait être une bonne idée. Plus de combats, plus de pouvoirs, plus rien à craindre. Juste le bonheur de se savoir enfin en sécurité…*

Alors qu’elle commençait à s’agiter, à sortir de sa torpeur pour être secouée de violents tremblements, elle entendit vaguement des éclats de voix autour d’elle. Sylar, il se dirigeait vers elle. Il avait vu ce qu’Hayden avait fait à Tomas. Evidemment, tout le monde avait vu : le temps s’était comme figé après le coup de feu. Et visiblement, le serial killer ne comptait pas laisser le crime impuni. Mais elle ne comptait pas se laisser assassiner sans se battre. Elle était venue pour quelque chose d’important : mettre Sylar en échec. Hayden savait qu’elle n’était pas de taille, mais si au moins sa mort pourrait contribuer à aider les autres, alors elle ne serait pas morte en vain.

Derrière Sylar, Alex était à terre, le visage ensanglanté. Le jeune français avait sans doute dû vouloir s’en prendre au tueur, et en avait payé le prix. Les deux autres hommes qu’Hayden ne connaissait pas se jetèrent sur le serial killer alors qu’il se rapprochait dangereusement de la jeune japonaise, mais furent repoussés comme de vulgaire tas de paille. L’adolescente releva alors le revolver pour le pointer sur lui.

"_N’avancez plus ! Ne bougez plus j’ai dit ! Je l’ai déjà tuée elle, je ne suis plus à ça près ! De toute façon, vous perdrez : vous êtes seul sans Tomas !"

Mais le tueur continuait toujours d’avancer, encore et encore. Ses yeux étaient révulsés, il avait définitivement l’air d’un fou. Un fou qui allait la tuer de sang-froid. Hayden tira, une, deux, trois balles. Elle finit par vider le chargeur sur le brun qui malgré tout continuait de s’approcher. Les balles ne l’avaient même pas effleuré. C’était fini, elle avait perdu.

Etrangement, elle ne ressentit qu’une vive douleur lorsque les balles qu’elle avait elle-même tirées mirent sa chair à vif en se frayant un chemin jusqu’au plus profond de ses entrailles. Puis plus rien, comme si elle était déjà morte tout en étant consciente. Ou peut-être la douleur était si violente qu’elle s’était déjà détachée de toute sensation pour y résister un instant de plus. Il n’y avait plus aucune poésie dans cette mort-là. L’agonie de Tomas l’avait ensorcelée, fascinée. La sienne était barbare, cruelle dans le sens où elle était voulue.

La texane ne ressentit même pas son propre corps s’élever lorsqu’elle fut embrochée par la glace qu’avait matérialisée le tueur. Sylar pouvait bien lui faire subir ce qu’il voulait : la lycéenne ne le sentirait pas. Elle n’était plus seulement Hayden Adurna, dix-sept ans et meurtrière. Elle était aussi et surtout morte. Morte sans qu’elle n’ait pu formuler le moindre adieu. Mais à qui aurait-elle dit adieu ? Ethan n’était pas là, sa famille non plus. Et Hiro n’était plus visible. Elle mourrait donc seule, avec pour dernière pensée cette idée qu’elle aura été solitaire toute sa vie en fin de compte.



La jeune fille ouvrit les yeux, un peu perdue. Quel était ce vacarme ? Et pourquoi Diable était-elle à terre ? Elle était essoufflée, et respirait précipitamment. C’est alors que ses yeux croisèrent ceux d’un jeune homme, qui avait ses mains posées sur elle. Mais alors que l’adolescente était sur le point de protester violemment, il retira celle-ci, surpris par le sursaut de la japonaise alors qu’elle avait reprit une grande bouffée d’air. Il s’adressa alors à elle, mais elle ne comprit pas tout. Sa vision était floue, ses oreilles sifflaient affreusement. Mais par-dessus tout, ce qui alarma l’adolescente fut autre chose, et se traduisait par : qui donc était Hayden ?

En réalité, ce qui alarma la brunette fut ce qu’elle tira de cette interrogation intérieure. Car de "Qui est Hayden ?" elle était passée à "Qui suis-je ?" , question nettement moins drôle mais on ne peut plus pertinente.

Du bruit, des cris, des mouvements de combats. L’attention de la jeune fille fut captée par l’agitation qui régnait dans la pièce. Et elle vit des choses incroyables, des choses qui ne devaient pas exister. Impressionnée par tant de passion, de fougue mais aussi de folie et de danger, la japonaise ne prit pas le temps de suivre le conseil de l’inconnu qui l’avait touchée. Lorsqu’elle se fut relevée, elle s’approcha de la scène sans pour autant se mettre en ligne de mire. L’adolescente voulait tout voir, fascinée.